Les Vins et les Champignons

Accorder aux produits carnés le vin qui épousera leurs saveurs et arômes est un exercice relativement facile, entré dans les moeurs. Il n'en est pas de même des champignons. Les senteurs et les goûts des cryptogames s'inscrivent dans un climat spécifique du répertoire gourmand. Certains sont chargés de senteurs fortement terriennes, parfois animales et de parfums d'humus, alors que d'autres jouent plutôt dans les notes boisées et les tonalités acides... Sans chlorophylle, sans senteurs florales ou fruitées, ces produits posent maints problèmes au sommelier. Ce sont bien sûr les saveurs les plus tranchées qui acceptent les mariages les plus logiques.


Les accords tout à fait subjectifs proposés ici concernent les champignons aux mêmes, simplement poêlés ou grillés. L'apport fréquent de gras typés ( graisse de canard, huile d'olive), les adjonctions d'ail, d'échalote, modifient sensiblement les perceptions. Les sauces et garnitures ( crème fraîche, béchamel, etc…) et à plus forte raison des adjuvants (ris de veau, poissons, omelettes) amènent à les reconsidérer. D'une manière générale plus la préparation est grasse, plus elle supportera un vin tannique, corsé, plus les champignons sont confrontés aux produits laitiers, aux poissons, viandes blanches et oeufs, plus le vin peut être léger, vif, mais jamais sec.


Le Boletus edulis ou cèpe de Bordeaux, par exemple, avec ses notes musquées renvoie avec véhémence aux vins typés "sous bois" voire porteurs d'arômes de gibier comme certains crus aquitains. Le côté élégamment charnu des Graves de Pessac-Léognan ,des Médocs ou des Satellites de Saint Emilion ouvrent de belles perspectives. Les vins du Sud-Ouest comme Cahors ou Madiran conviennent également à condition de posséder des millésimes d'au moins cinq ans d'âge, tannins fondus, nez complexe et belles finales fruitées.  Le Gigondas bien évolué, un Morgon ou un Cornas de bonne maison sont aussi porteurs d'espoirs.La morille au parfum moins riche et plus raffiné supportera la liaison avec quelques blancs de belle race comme les vins jaunes d'Arbois ou du Jura. un Chardonnay bien élevé sous bois ou un Volnay.

Pour les champignons dits "sauvages" - Coulemelles, Oronges, Girolles et Trompettes des morts - à la saveur délicate et au parfum subtil on évitera au contraire les vins rouges trop corsés. Place aux blancs de Chablis, Bourgueil, Touraine-Mesland, ou Côtes-de-Provence blanc.

Avec champignons des prés -. Mousserons, pleurottes, psaliottes (ou psaliotes), boutons de guêtre* -. on s'orientera vers les rouges gouleyants et légers : Arbois, Graves génétiques, Bergerac, voire des rosés de Touraine ou de Tavel.

* ce joli vocable désigne quelquefois le Bulgaria inquinans, sorte de gros bouton noir sans intérêt gustatif. Mais surtout comme ici le Marasmus oreades, dont le nom français Marasme des Oréades est doux à l’oreille et les qualités gustatives trop souvent négligées.


Sur les Lactaires (Rousseillous en Languedoc) tentez une approche de vin nouveau, Beaujolais ou Gaillac c'est souvent une agréable surprise. 

Quant à la truffe elle est à notre avis de la même famille de "tueurs de vins" que l'asperge ou le chocolat et il faut une belle dose d'arômes sauvages pour résister à ce parfum entêtant: Pomerol et Gigondas de vieille garde s'imposent, mais certains vieux Cahors, Madiran de pur Tannat ; Côte Rôtie, Corton grand Cru, acceptent de belles fiançailles, refusez le snobisme du Champagne mais tentez un Bando par exemple un Château Pibarnon !