Château
Margaux Il était une fois
Château Margaux
... 1er grand Cru
Classé AOC Margaux Second vin:
Pavillon
Rouge du Château
Margaux Autre vin:
Pavillon
Blanc du Château
Margaux, Vignoble: 87
hectares Age moyen des vignes: 36
ans Encépagement: Terroir: Production: 12.500
caisses Le terroir Le terroir ! Cette
idée si française que le mot n'a
d'équivalent dans aucune autre langue;
tellement pétrie de traditions et
enveloppée de mystères que l'on
nous reproche parfois de l'agiter pour cacher
notre ignorance, alors qu'elle découle,
au contraire, d'une expérience
séculaire. Le terroir est
l'inné des grands vins. Il est aux crus
ce que l'hérédité est aux
hommes, c'est-à-dire tout et rien
à la fois. Tout, car sans lui &endash;
sans elle &endash; rien n'est possible; rien,
puisqu'il &endash; elle &endash; ne se
révèle que grâce à
l'acquis du travail et de la culture. La
question de la prééminence du
terroir ne se pose pas plus aujourd'hui que ne
subsiste la vaine querelle philosophique entre
les tenants de l'inné et de l'acquis chez
l'homme; nous savons à quel point ils
sont indissolublement liés autant que
complémentaires. Parmi les facteurs qui
constituent le terroir des grands crus figurent
en premier lieu les conditions naturelles, sol
et climat. C'est le climat qui autorise la
culture de la vigne; c'est lui qui dans certains
cas, permet aux raisins d'acquérir une
maturité harmonieuse. Dans ces sites
privilégiés, où la
maturation est nécessairement lente et
aléatoire, le sol prend une importance
telle que de très fines variations,
même entre deux parcelles voisines, se
traduisent par de grandes différences de
qualité et de typicité des
vins. Pour une large part, les
mécanismes de ces interactions sont mal
connus, mais le constat de leur existence n'est
pas moins clair. Au nombre des facteurs
héréditaires de la qualité
des grands crus, donc au sein de leur terroir,
compte également l'histoire de leur mise
en valeur. Sans l'attention et le travail
passionné des hommes, jamais une butte de
graves, aussi
«privilégiée» soit-elle,
ne serait devenue un grand vignoble. Il a fallu
choisir les cépages les mieux
adaptés, définir les conditions de
leur culture, affiner les techniques de
vinification et d'élevage. Ce travail a
duré plus de quatre cents ans: il fait
maintenant partie de notre terroir. A notre tour
aujourd'hui de révéler par nos
efforts ce formidable patrimoine et,
peut-être, d'y apporter une nouvelle
petite pierre. Histoire Difficile de
résumer en quelques lignes l'histoire
longue et passionnée du domaine; elle
pourrait s'intituler : « Il était
une fois Château Margaux
»
Connu dès le
XIIème siècle, il s'appelle alors
« la Mothe de Margaux » et ne
possède pas encore de vignes. En 1152,
Aliénor, héritière du
duché d'Aquitaine, épouse Henri
Plantagenêt, le futur roi d'Angleterre
Henri II. L'Aquitaine va ainsi appartenir
à l'Angleterre jusqu'en 1453
(l'illustration montre ici la reddition de la
ville de Bordeaux aux... Français !!! en
octobre 1453, à la fin de la guerre de
Cent Ans), une vraie bénédiction
pour les vins de Bordeaux auxquels s'ouvre le
marché anglais. Richard Cur de
Lion, le fils d'Aliénor et de Henri II
adopte le bordeaux comme vin de table
quotidien... Les propriétaires
successifs de la Mothe de Margaux sont bien
sûr des seigneurs d'importance, mais il
faudra attendre la famille de Lestonnac pour
engager la constitution du domaine tel que nous
le connaissons aujourd'hui ; Pierre de Lestonnac
réussit en 10 ans -de 1572 à 1582-
à restructurer complètement la
propriété et anticipe ainsi
l'évolution générale du
Médoc qui commence à abandonner
les cultures céréalières au
profit de la vigne. A la fin du XVIIème
siècle, Château Margaux occupe 265
hectares, surface dont il ne s'écartera
plus ; un tiers du domaine est consacré
à la vigne, comme c'est le cas encore
aujourd'hui. L'Angleterre et la
Hollande boivent du 'claret ', ce vin encore
assez pâle et qui ne vieillit pas bien.
Château Margaux devient un haut lieu de
l'art de faire du vin et la hiérarchie
entre les différents crus de Bordeaux se
dessine déjà. Le Château Margaux
est né. Berlon L'ancien nom du domaine
« la Mothe de Margaux », et la
hiérarchie des grands crus de Bordeaux ne
sont pas un hasard ; dans un pays plat comme le
Médoc, la moindre «motte» se
distingue aisément et les plus grands
vins sont toujours produits sur les terres dont
la pente assure un bon drainage. La
pérennité de ces sites viticoles
n'a d'égal que le génie des
hommes, propriétaires régisseurs,
vignerons, maîtres de chai qui ont su
deviner et mettre en valeur la nature
exceptionnelle des terroirs. Au fil des
générations, au fil des
siècles, l'habileté des uns, les
innovations des autres, font progressivement du
vin de Château Margaux un vin d'excellence
; il n'est qu'à se rappeler les
progrès réalisés
grâce au régisseur Berlon (dont le
prénom n'a jamais été
retrouvé !), au tout début du
XVIIIème siècle. Il est le premier
à vinifier séparément les
raisins rouges et les raisins blancs, dont les
ceps étaient à l'époque
plantés en mélange dans les vignes
; il exige que les raisins ne soient pas
vendangés aux premières heures,
« parce que les raisins sont couverts de
rosée, et que s'ils sont cueillis le
matin, leur couleur sera diluée et
pâlie par l'excès d'humidité
»
Les prémices de la
vinification moderne
apparaissent
Berlon comprend
également l'importance des sols, il
connaît déjà les meilleures
parcelles. L'influence du terroir se
dessine
La nature et le travail
des hommes combinent leurs mérites pour
façonner ce grand cru. Ils créent
en même temps un art, un
savoir-faire. Leurs successeurs se
doivent d'être dignes de cette terre et de
ces connaissances qu'ils reçoivent en
héritage. XVIIIe
siècle En 1705, le London Gazette
annonce la première enchère des
grands crus de Bordeaux : 230 barriques de
« Margose » ! Le millésime 1771
est le premier « claret » à
apparaître dans un catalogue
Christie's. Le Premier ministre
anglais, sir Robert Walpole, est un autre
exemple de la prédilection de
l'élite anglaise pour ces crus de
Bordeaux : il achète 4 fûts de
Margaux par trimestre, qu'il ne règle pas
toujours ! La renommée des
«premiers crus» franchit l'Atlantique
et Thomas Jefferson, ambassadeur des Etats-Unis
en France, dépeint la hiérarchie
qui règne déjà entre les
meilleurs vins de Bordeaux avec Château
Margau (sic!) en première place. Il passe
une commande de Margaux 1784 dont il
écrit « qu'il ne peut y avoir une
meilleure bouteille de Bordeaux
». Le début du
XVIIIème siècle marque le
lancement des Grands Vins de Bordeaux et de leur
classement encore informel ; cela n'aurait pas
été possible sans la
préexistence, puis la
pérennisation de la notion de cru,
c'est-à-dire un terroir, son vin, son
château. Joseph de Fumel,
propriétaire au milieu du
XVIIIème, plante des «
cépages de choix » sur ses
meilleures parcelles ; il réalise que
seules peuvent produire des vins de
qualité les croupes de graves que l'on
trouve dans le Médoc et dans ses plus
grands crus. La révolution
française met fin à ce
siècle d'or bordelais et Elie du Barry,
comte d'Hargicourt, seigneur de Margaux, est
conduit à l'échafaud par la
terreur jacobine. Château Margaux -ses
vignes, ses bois, ses aubarèdes, ses
prés, ses moulins- est vendu aux
enchères par les révolutionnaires
comme Bien National. La
Colonilla Laure de Fumel,
nièce de Joseph, parvient à
racheter le domaine au « citoyen »
Miqueau qui l'a pourtant complètement
dilapidé, laissant même geler les
orangers! Elle est la
dernière descendante des familles
Lestonnac, Pontac, Aulède, toutes
apparentées et qui ont si bien
veillé sur Margaux pendant trois
siècles. Les années de la
révolution ont raison de son courage et
de sa passion pour ses terres, qu'elle met aux
enchères en 1801. L'acquéreur,
Bertrand Douat, est un basque revenu d'Espagne
avec une fortune considérable et le titre
de marquis de la Colonilla. Il a
été, entre autre, armateur et
fondé de pouvoir du gouvernement espagnol
pour la négociation d'un accord de troc
avec la Russie ! Ses idées de
démocratie à l'américaine
lui valent même d'être
emprisonné plusieurs mois
! Il a plus de cinquante ans
lorsqu'il regagne la France ; il réside
à Paris plutôt qu'à
Bordeaux. En réalité, il ne
s'intéresse pas vraiment à la
vigne et Château Margaux est pour lui un
moyen de conforter son ascension
sociale. Le manoir gothique, qui a
remplacé l'ancien château
fortifié du domaine, ne lui paraît
d'ailleurs pas digne de la réputation de
son vignoble. La Colonilla fait
construire à sa place la demeure que l'on
admire aujourd'hui. Les travaux commencent en
1810, alors que La Colonilla a
déjà 70 ans ; il meurt en 1816
sans avoir jamais habité son
château. Bertrand Douat, marquis de
la Colonilla, n'est pas le seul
propriétaire de Château Margaux,
étranger aussi bien à Bordeaux
qu'à la vigne, à laisser une
empreinte aussi profonde. Architecture C'est le Marquis de la
Colonilla qui fait construire, en 1810, le
château et les bâtiments
d'exploitation que l'on admire encore
aujourd'hui. Il s'adresse à
l'architecte bordelais à la mode, Louis
Combes, alors considéré comme
l'héritier de Victor Louis, l'architecte
du Grand Théâtre de
Bordeaux. Louis Combes
réalise à Margaux son
chef-d'uvre ; souvent surnommé 'le
Versailles du Médoc', le château
est l'un des rares exemples de style
néo-palladien en France. Mais Margaux n'est pas
qu'une demeure raffinée et
aristocratique, c'est d'abord et surtout une
entreprise agricole ; le génie de Combes
est d'avoir su créer une véritable
petite cité viticole en disposant de part
et d'autre du château les bâtiments
nécessaires à la production d'un
des meilleurs vins du monde. A gauche, la cour des
artisans, avec ses maisons et ses ateliers,
où sont pratiqués les
métiers -plomberie, mécanique,
etc- qu'impose l'éloignement de Bordeaux
qui se trouve, au début du XIXème
siècle, à une journée de
diligence. A droite, les hauts lieux
des chais, cuvier et tonnellerie ; le grand chai
en particulier, ses perspectives majestueuses et
ses grandes colonnes blanches, qui évoque
l'image spectaculaire d'une cathédrale du
vin. Cet ensemble -
classé Monument Historique en 1946 - que
découvrent progressivement les visiteurs
du monde entier lorsqu'ils arrivent par la
longue allée de platanes centenaires qui
marque l'entrée du domaine, est d'une
superbe et unique
cohérence. Aguado Les enfants de la
Colonilla ne s'intéressent pas au domaine
et le vendent à Alexandre Aguado, marquis
de Las Marismas, un authentique espagnol
contrairement à la Colonilla! A cette
époque, Aguado est le premier banquier
à acquérir un grand château
bordelais ; sa fortune, qu'il doit autant
à la finance qu'aux grands travaux, est
déjà immense, et Château
Margaux ne représente pas pour lui un
moyen de l'accroître mais plutôt une
propriété élégante
et agréable à
vivre. Il abandonne assez vite
ses activités financières pour
devenir, entre autre, le mécène de
Rossini qui composera une zarzuela
intitulée
« Château
Margaux » ! Il mourra plutôt
jeune (1836), en ayant légué sa
magnifique collection de tableaux italiens et
espagnols au musée du
Louvre. Son legs essentiel est la
décoration Napoléon III,
caractéristique de cette époque,
dont les principaux éléments
resteront en l'état jusqu'à la
vente du domaine par les Ginestet à
André Mentzelopoulos. Les heurs et malheurs du
XIXème siècle contrastent avec la
pérennité du vignoble qui reste
remarquablement entretenu par les
régisseurs successifs alors qu'une
calamité apparaît sous la forme
d'un champignon venu des Etats-Unis,
l'oïdium, qui dévaste les vignes
avant d'être maîtrisé par
l'usage du soufre ; cette maladie cryptogamique
ne fait qu'inaugurer la série de
catastrophes qui va suivre et la parade du
soufre est le premier traitement phyto-sanitaire
de l'histoire du vignoble
bordelais. En 1879, Emily Macdonnel,
dame d'honneur écossaise de
l'impératrice Eugénie et
épouse du fils d'Aguado, vend le
château au comte
Pillet-Will. Classement de
1855 Napoléon III,
raillé par Victor Hugo comme
Napoléon le Petit, rend un fier service
aux grands vins rouges du Médoc en
organisant à Paris, dès 1855, la
Deuxième Exposition
Universelle. L'empereur se hâte
de suivre l'Angleterre qui a inauguré la
Première Exposition Universelle à
Londres en 1851 à l'instigation d'Albert
de Saxe, le mari de la reine Victoria ; il
comprend l'intérêt, pour les pays
participants, de présenter leurs
dernières nouveautés
industrielles, scientifiques et culturelles et
il ne veut pas rater cette occasion de glorifier
les produits français, dont les vins
prestigieux du Médoc. Il désire que ces
vins soient présentés dans le
cadre d'un classement ; une dégustation
à l'aveugle est organisée à
Paris dont l'aboutissement est ce fameux
classement officiel de 1855 qui divise en 5
niveaux de qualité une soixantaine de
crus du Médoc et une
propriété des
Graves. Seuls quatre crus sont
classés « Premier Grand Cru
Classé » ; Margaux est le seul
à être noté 20 sur 20. Ce
classement -qui garde toute sa validité
aujourd'hui- ne fait qu'entériner la
hiérarchie qualitative illustrée
par les grandes différences de prix
pratiquées par le marché mondial
depuis longtemps. Au XVIIIème
siècle, les «premiers crus»
sont déjà vendus deux fois plus
chers que les «deuxièmes crus».
Le classement de 1855 succède d'ailleurs
à d'autres tentatives de classification
plus informelles : après celle de Thomas
Jefferson au XVIIIème siècle (voir
ce chapitre), l'autre ouvrage de
référence est la «Topographie
de Tous les Vignobles Connus» publié
en 1816 dont l'auteur, André Jullien, est
un marchand de vins né à Paris en
1766. Il sera suivi par le négociant en
vins allemand Wilhem Franck en 1824 et le
courtier Paguierre en 1828. La vraie «Bible
de Bordeaux» sera néanmoins
«Bordeaux et ses vins, Classés par
Ordre de Mérite»
rédigé par Charles Cocks -un
professeur dont on ne sait malheureusement pas
grand-chose- et publié par le libraire
bordelais Michel Féret, en 1850. Charles
Cocks meurt en 1854, un an trop tôt pour
voir que le classement officiel de 1855
correspond au sien à peu de choses
près, comme c'était
déjà le cas chez Jefferson,
Jullien ou Franck. Sous le Second Empire,
c'est peu de dire que Bordeaux connaît un
véritable âge d'or, grâce
à la construction d'une voie
ferrée jusqu'à Paris, mais aussi
grâce à l'essor du commerce
facilité par les accords de
libre-échange inspirés des
idées libérales de l'empereur qui
peut se vanter, à Bordeaux même :
« l'Empire c'est la Paix
». Il est certain que
Napoléon III est pour beaucoup dans
l'embellie de la viticulture bordelaise, n'en
déplaise à Victor Hugo
! Pillet-Will C'est une époque de
mauvaise rentabilité pour le Médoc
qui est presque simultanément
foudroyé par la grande récession
mondiale, le mildiou et le
phylloxéra. Le mildiou, autre maladie
de la vigne due à un champignon,
apparaît peu de temps après que
l'oïdium ait été
maîtrisé ; cette fois le
remède sera trouvé sous la forme
d'une pulvérisation de sulfate de cuivre,
la fameuse « bouillie bordelaise
». Le phylloxéra,
insecte venu des Etats-Unis, est un fléau
plus terrible encore et sa propagation est
inexorable ; il faut attendre la solution du
greffage des cépages français sur
des plants américains résistants
pour sauver le vignoble
bordelais. La production de
Château Margaux reprend au fur et à
mesure des nouveaux traitements et des
replantations et le 1893, millésime
remarquable, est si abondant qu'il faut
arrêter les vendanges pendant six jours
faute de cuves ! Sa production dépasse
celle du légendaire 1870, la plus grande
année d'avant le
phylloxéra. Les jeunes pieds issus des
replantations ne permettent cependant pas de
produire des raisins de qualité optimale
et une partie de la production est vendue comme
« second vin », le futur Pavillon
Rouge du Château Margaux. En 1896,
Frédéric Pillet-Will trouve un
homme de confiance en la personne de Pierre
Moreau qui va bientôt jouer un rôle
primordial à Margaux. A la mort de Pillet-Will,
le domaine revient à son gendre, duc de
la Trémoille pourtant élu
député de la Gironde sur une liste
radicale de gauche ! Mais il perd son
siège à l'élection de 1910,
ce qui l'incite peut-être à
délaisser sa propriété pour
chasser le souvenir d'un électorat
ingrat! Ginestet C'est le courtier Pierre
Moreau, homme de confiance de la
Trémoille, qui réunit le syndicat
d'actionnaires acheteurs de Margaux et
gère le domaine. Il nomme Marcellus
Grangerou au poste de maître de chai ; son
fils Marcel et son petit-fils Jean auront la
même responsabilité. L'innovation la plus
importante de Pierre Moreau est l'obligation de
« mise en bouteilles au château
», adoptée en 1924 et
véritable garantie d'authenticité
pour les acheteurs. La crise économique
des années 1930 et les millésimes
désastreux de cette décennie
déstabilisent les actionnaires et mettent
provisoirement un terme au principe de la mise
en bouteilles obligatoire au Château qui
ne réapparaîtra qu'après
1949. Fernand Ginestet et son
fils Pierre entrent alors en scène ;
Fernand, qui aime autant le chant que le
commerce - il a une belle voix de baryton -a
construit sa fortune dans le négoce de
vins. C'est son ami Boylandry, maire de Saigon
et importateur de vins, qui lui envoie les fonds
nécessaires à l'achat du domaine
et la famille Ginestet n'en acquiert
l'intégralité que vers
1950. Fernand et Pierre
réorganisent patiemment le vignoble. Le
fils de Pierre, Bernard, s'occupe de leur maison
de négoce et en fait un des
établissements de commerce les plus
respectés de Bordeaux. Mais la récession
des années 1970, les millésimes
désastreux et invendables de 1972, 1973
et 1974 mettent Pierre et Bernard dans une
situation désespérée ; ils
désirent toutefois honorer leurs
engagements. Leur seul bien
négociable est Château Margaux,
qu'ils se résignent à
vendre. André
Mentzelopoulos « Un Hellène
dans le Médoc », titre un article
élogieux du Monde. Quel roman en effet que la
vie de cet homme exceptionnel ! Il naît en
1915 à Patras, dans le
Péloponnèse, d'un père
hôtelier qui n'a de cesse d'enseigner
à ses enfants plusieurs langues
étrangères afin de réaliser
le rêve de tant de Grecs: partir à
l'étranger et
faire fortune
! André comble les
attentes de son père ; après des
études de littérature à
Grenoble, il part en Extrême-Orient
où, en Birmanie, en Chine, en Inde, au
Pakistan enfin, il fait fortune dans
l'import-export de
céréales. De retour en Europe, il
épouse une Française et acquiert,
en 1958, la société Félix
Potin, maison fondée en 1844 et qui
possède 80 épiceries de quartier.
André fait de cette société
une importante maison de distribution moderne
aux 1600 points de vente et au prestigieux
patrimoine immobilier à
Paris. Il a fallu deux ans
à Pierre et Bernard Ginestet pour vendre
Château Margaux et, lorsqu'André
achète la propriété en
1977, le monde du vin est
médusé. Tout de même... un
Grec dans le Médoc ? C'est sans compter que cet
homme, à l'accent encore chantant - il
parle six langues - et qui aime citer de
nombreuses phrases de Winston Churchill, est
tombé amoureux de son Château
Margaux ; contrairement à ses
compatriotes, financiers ou marins, il aime la
terre, et la pierre. Les colonnes ioniques qui
ornent le péristyle du château lui
rappellent sa Grèce natale et lui font
saisir, grâce à sa formidable
acuité intellectuelle, l'ampleur du
travail à accomplir pour que Margaux
retrouve sa place de Premier, la seule qui lui
revienne. ... son
oeuvre En 1977, André
Mentzelopoulos est un
précurseur. Les vins de Bordeaux
sortent d'une grave crise économique et
qualitative; les investisseurs ne
s'intéressent pas aux crus classés
et les propriétaires n'ont pas les moyens
de valoriser leurs terres. André
Mentzelopoulos, en véritable
anticipateur, investit massivement sans espoir
de rentabilité immédiate et dans
un marché encore morose, quelques
années avant le nouvel âge d'or
bordelais de la fin du XXème
siècle. Son action est
spectaculaire; dans le vignoble, avec le
drainage, les replantations... dans les chais,
sous la supervision passionnée de
l'nologue Emile Peynaud, avec la
réintroduction du Pavillon Rouge et
l'augmentation considérable de la
sélection, l'élevage en barriques
neuves, la planification - une prouesse
technique - du premier grand chai enterré
de la région, la redéfinition du
Pavillon Blanc... dans le château et ses
dépendances, sous le contrôle des
inspecteurs des Monuments Historiques-Margaux
est classé- et avec le concours du
célèbre décorateur Henri
Samuel - le réalisateur des salles
françaises du 18ème siècle
au Metropolitan de New York - la reconstitution
du patrimoine architectural et le
réaménagement intérieur;
tout cela dans le respect des anciennes
structures et dans le but obstiné de
permettre au terroir d'exprimer ses fabuleuses
qualités. Le millésime 1978
de Château Margaux est
immédiatement salué comme
exceptionnel, preuve de l'efficacité et
de l'ampleur de l'uvre d'André
Mentzelopoulos. Il décède en
1980, trop tôt et trop vite pour jouir de
la renaissance de son Château Margaux;
aucun propriétaire n'aura joué un
rôle aussi profond, et en aussi peu de
temps, dans l'histoire pourtant séculaire
de Château Margaux. Aujourd'hui Le monde du vin, qui
s'était tant alarmé à
l'arrivée d'un « Hellène dans
le Médoc », redouble
d'inquiétude au décès
d'André Mentzelopoulos, en
décembre 1980. Ce paradoxe s'explique en
réalité par le fait
qu'André Mentzelopoulos a convaincu les
plus dubitatifs par son énergie et sa
clairvoyance qui, mises au service de sa passion
pour Château Margaux, ont, avec une
rapidité presque spectaculaire,
rétabli la qualité du vin et la
réputation du domaine. Sa fille, Corinne
Mentzelopoulos, va aussitôt tenter de
relever le défi. Après une licence
de Lettres Classiques et le diplôme de
l'Institut d'Etudes Politiques de Paris
(Sciences-po), elle a débuté comme
chef de produits à l'agence Havas. Au
décès de son père, elle a
déjà intégré le
groupe familial comme contrôleur de
gestion chez Primistères, la
société qui gère les
magasins Félix Potin. Sa jeunesse
l'empêche peut-être de discerner
l'important pari qui est le sien, mais qui est
heureusement partagé par toute
l'équipe de Margaux, dirigée alors
par Philippe Barré. Ce dernier a
été recruté par
André Mentzelopoulos, et il sait qu'il
faut redoubler d'efforts pour ne pas briser la
formidable impulsion donnée.
Entourée de toute l'équipe du
domaine et par l'nologue Emile Peynaud
-lui aussi garde un souvenir ému
d'André Mentzelopoulos et ne veut pas
décevoir le monde du vin qui le guette-,
Corinne se met au travail -rien dans sa
formation ne l'avait préparée au
vin- et se passionne très vite pour
Margaux. En 1983, Paul Pontallier,
ingénieur agronome et docteur en
nologie, rejoint l'équipe de
Margaux et le monde professionnel pour la
première fois ! Il en devient son
directeur au moment du départ à la
retraite de Philippe Barré. Le programme
d'investissements défini par André
Mentzelopoulos est poursuivi, de sorte que
Margaux est prêt à relever un autre
défi, celui de l'extraordinaire explosion
de la demande pour les vins de Bordeaux à
partir de 1982. Les Américains sont les
premiers à s'enthousiasmer de la sorte
pour les Grands Crus Classés, vite
rejoints en cela par les connaisseurs plus
traditionnels de Grande Bretagne ou d'Allemagne;
ce seront par la suite les Japonais, les
amateurs de Hong Kong ou de Singapour, les
habitants de l'ancien bloc soviétique, de
la Chine, de l'Inde etc.
Les vins de Bordeaux,
s'ils sont appréciés depuis des
siècles, n'ont jamais connu un tel
succès; les amateurs du monde entier
viennent visiter, déguster, comparer,
commenter. Bordeaux est béni
par une succession de grands millésimes,
avec la véritable apothéose que
sera le 2000 (puis le 2003 et le 2005).
Parallèlement, la société
Félix Potin s'est transformée,
sous la direction de Jacques Vincent, le
collaborateur d'André Mentzelopoulos
depuis 30 ans; les magasins ont
été cédés, le
prestigieux patrimoine immobilier
développé, et le groupe
-dorénavant Exor- est devenu
l'actionnaire de référence de
Perrier, première société
d'eaux minérales à l'époque
dans le monde. Il s'agit alors pour Corinne
Mentzelopoulos de trouver des appuis dans le
développement d'un groupe qu'il lui
paraît imprudent de gérer seule,
à un moment de plus où Jacques
Vincent ne va pas tarder à prendre sa
retraite. Au début des années
1990, un échange de participations est
réalisé entre Exor et Ifint, le
holding d'investissements internationaux
contrôlé par la famille Agnelli et
dirigé par Gianni Agnelli, le
président des automobiles Fiat. Cette
alliance, en donnant la majorité du
capital de Château Margaux à une
société contrôlée par
les Agnelli, permet en réalité
à Corinne, dont c'est la principale
motivation, de consacrer l'essentiel de son
temps à la gestion de la
propriété (dont elle est
également restée actionnaire)
tandis que le reste de ses actifs est
géré par ses amis et
associés. Cette harmonieuse association
se poursuivra 10 ans, jusqu'en 2003, lorsque le
groupe Agnelli décide de se
séparer des parts qu'il détient
dans le capital de Château Margaux.
Corinne Mentzelopoulos les rachète
aussitôt, devenant ainsi l'unique
actionnaire du domaine. Alors, en ce début
du XXIème siècle, comment
résumer
Château Margaux: sa
place dans le monde du vin, les
préoccupations, les ambitions des hommes
-et des femmes !- qui travaillent à le
parfaire encore ? La
prospérité rencontrée par
les vins de Bordeaux et l'essor de nombreuses
autres régions du monde, s'ils ont
placé Château Margaux dans un
climat plus concurrentiel, ont aussi permis d'en
souligner le positionnement unique : celui d'un
Premier Grand Cru Classé jouissant d'un
terroir façonné au fil des
siècles. Pas question pour autant de nous
endormir sur nos lauriers -il serait fastidieux
d'énumérer ici les
investissements, grands et petits,
réalisés dans la
propriété depuis 1977, pas
question non plus de tout révolutionner
lorsque les anciens régisseurs et
propriétaires ont su, malgré leur
relative ignorance technique, produire le 1900
ou le 1961 ! Il s'agit d'être à la
hauteur de cet héritage, tout en se
remettant sans cesse en question pour
améliorer, perfectionner ce qui peut
l'être encore, dans le respect du
patrimoine unique qu'est celui de Château
Margaux. Le renforcement de l'équipe de
direction du domaine avec l'arrivée,
dés 1990, de Philippe Bascaules,
ingénieur agronome comme Paul Pontallier,
le recrutement, en 2000, d'un responsable
recherche et développement, vont dans ce
sens : être digne de l'histoire de Margaux
tout en progressant sans cesse-dans les moindres
détails- pour ne jamais décevoir
les amateurs du monde entier. Vous, qui êtes venus
lire ces pages sur notre site, ou qui avez
quelques bouteilles de Château Margaux
dans votre cave, sachez à quel point
votre intérêt nous stimule, et
votre passion pour nos vins nous est
chère. Merci.
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